Entretien avec Robert LANCON, 7 mois après son accident
Victime d’un grave accident de moto le 21 juin 2018, Robert LANCON, après une longue convalescence, nous a accordé une longue interview, pour nous donner des nouvelles de sa santé. Au fil de la discussion, il nous a également parlé du partenariat avec JSF, de sa passion pour le Rugby et de la construction du Centre d’Hébergement pour Sportifs à Moirans, pour lequel il est associé.
L’accident
Je ne me souviens de rien. Je me souviens de mon réveil à l’hôpital et j’ai compris que j’avais eu un accident de moto. C’est terrible. J’ai été touché aux vertèbres, aux côtes, aux jambes, aux poignets. J’étais en train de m’étouffer dans mon casque et une personne, qui était pompier, a vu l’accident et s’est arrêtée pour me donner les 1ers secours. Je suis parti en hélicoptère mais je ne m’en rappelle pas. Puis j’ai fait 2 mois et demi d’hôpital. Ça fait maintenant 7 mois et je ne suis pas encore rétabli, loin de là.
La convalescence
J’ai été pour moitié du temps en convalescence à Besançon, puis à Oyonnax. Je suis resté pendant 24h inanimé. Et puis il y a eu le choc opératoire. J’ai été opéré toute la nuit. J’ai dû arriver à Besançon à 16h et on m’a opéré à 20h, jusqu’à environ 4h du matin. J’étais en corset, donc il ne fallait pas que je bouge. La rééducation, c'est maintenant. Je fais beaucoup de kiné. Quand je suis rentré ça a été très dur. Debout j’avais mal, couché il fallait que je me mette assis, assis il fallait que je me mette debout. Puis petit à petit c’est revenu à pouvoir me retourner à gauche, à droite, dans le lit. J’ai été vraiment secoué. Les chirurgiens m’ont dit heureusement que j’étais un ancien sportif et que j’avais une structure assez solide, sinon je ne m’en serai pas sorti. Les 15 premiers jours à l’hôpital étaient horribles, de souffrance. Et le plus beau jour, c’est le jour où tu rentres chez toi, même s’il y a encore à faire et que tu es coincé chez toi.
L’entreprise
Mon fils a pris l’entreprise. De toute façon il n’a pas eu le choix. Le soir, quand la gendarmerie est venue annoncer l’accident, il aurait pu dire « qu’est-ce qui arrive, qu’est-ce qu’on fait ? ». Non, il s’est retroussé les manches, et puis j’ai eu un encadrement extraordinaire de proches. Entre François PICARD au niveau du bâtiment, et de Jean-Marc MARILLER, qui n’ont pas lâché, qui sont venus me voir souvent. Il y avait aussi le Fred BARONI. Puis après, j’ai été vachement soutenu par mon entourage d’amis et familial. L’amitié dépasse le cadre de l’entreprise. J’ai eu du monde de tous les milieux. J’ai même eu des gens, des footballeurs en dehors du rugby, parce que, pour le rugby, j’ai des gens d’Oyonnax qui sont venus me voir, des anciens joueurs d’Oyonnax, des gens du staff de Jura Sud Foot, Jean-Jacques (BARONI, ndlr) est venu plusieurs fois, Gérard (JANVIER, ndlr) est venu plusieurs fois, j’ai eu René MARGUET. Je suis toujours en arrêt de travail. D’ailleurs je ne pourrais pas. L’activité est terminée pour moi. La retraite arrive. Elle devait déjà être faite, elle était déjà mise en route mais elle n’a pas pu se faire. Et là j’ai une visite chez un médecin expert dans 1 mois. On m’a donné à peu près un an d’inactivité. Alors c’est vrai que je fais l’effort de marché, mais je ne pourrais pas monter un escabeau et travailler. Je pourrais faire secrétaire à Jura Sud Foot sans problème (rires), mais après… jouer au foot, non…
Le partenariat avec Jura Sud Foot
Je suis arrivé à Jura Sud Foot naturellement. Que ce soit Olivier (PAGANI, ndlr), ou Jean-Jacques (BARONI, ndlr), ce sont des proches, des clients et un moment donné, il faut donner un peu en retour. Mais ce n’est pas LANCON qui va sauver Jura Sud Foot. C’est plus un partenariat de copains à notre niveau. C’est mieux d’en avoir 1, 2 3 en plus que pas du tout. Surtout un respect de connaissances. J’ai été Président du FC Saint-Claude, en même temps que Gérard JANVIER était Président de Jura Sud Foot. Ça avait déjà lié les choses. Et puis il y a eu l’épopée en Coupe de France où nous on n’en perdait pas beaucoup et Jura Sud non plus. Ça avait créé énormément de liens entre les joueurs et les dirigeants. Jura Sud jouait le samedi, il gagnait, et nous on jouait le dimanche, puis on gagnait et on se téléphonait. Le fait d’être à Jura Sud c’est un élan. C’est pour aider le club à progresser. Ce n’est pas LANCON qui va faire monter Jura Sud, mais il y participe, comme beaucoup. C’est un peu la force du coin. On a encore cette mentalité-là. Ce n’est pas pour faire parler de nous. Moi je félicite la personne qui s’occupe des partenariats car on est au courant de ce qu’il se passe. Il y a pas mal de réunions qui se font. On voit qu’il y a du travail qui se fait, avec les entraîneurs, l’école de foot. On voit que c’est un club qui a plus que murit. Je crois qu’il est devant Besançon.
La passion pour le Rugby, le FC Saint-Claude, l’USO
La passion, elle est toujours là, même si… J’ai été 25 ans à la Fédération (Française de Rugby, ndlr) et je n’ai pas renouvelé mon mandat fédéral du Comité de Franche-Comté parce que j’en avais marre et que le rugby devenait… Au niveau des instances, c’est trop politisé. Je ne suis plus du tout en phase avec ce qu’il se fait aujourd’hui. Avant, chaque Président avait joué au rugby, chaque arbitre avait joué au rugby, et ce n’est plus le cas maintenant. Il y a trop de gens qui viennent se faire voir, mais qui n’ont aucune passion rugbystique. C’est une passion de se montrer, de montrer qu’ils existent. Quand je suis rentrée à la Fédération, il n’y avait que des passionnés, des fous furieux quoi (sic). Même les arbitres, ils sont formatés aujourd’hui. C’est comme ça, c’est la vidéo, c’est le Web. Moi je prends énormément de plaisir à aller à Saint-Claude encore. Je vais à Oyonnax, je vois un match de rugby, je vais à Saint-Claude, je vois du rugby. Ce n’est pas le même mais je m’en fous (sic). Je vois des jeunes qui se font plaisir, qui se font des passes. Même les adversaires. Je vois des très beaux matches de rugby en Fédéral 3. Je ne compare surtout pas Oyonnax et Saint-Claude. Ce n’est pas le même sport on va dire. Je suis en soucis pour le monde amateur, pour le bénévolat, pour ces jeunes qui, à un moment donné, ils rêvent trop. Avant tout le sport c’est pour se faire plaisir. Le rugby c’est un sport de passes, donc il faut se faire des passes, il faut courir, plaquer, mais il ne faut pas traverser le terrain en bousculant tout le monde et faire 2 tonnes. C’est ce qu’on retrouve à Saint-Claude. On a des jeunes et c’est déjà moins agressif qu’avant, c’est plus intelligent, c’est plus agréable. Je pense que tout le monde se fait plaisir. Je pense que le rugby amateur va encore souffrir. Il y a beaucoup de clubs qui s’éteignent. Aujourd’hui on joue contre des clubs, on ne sait même plus qui c’est. C’est tous des groupements de lettres… Ce n’est pas en se groupant qu’on y arrive. 1+1 ça ne fait pas toujours 2. Il faut faire attention en se regroupant. Le 1er regroupement qui s’est fait, c’est Montchanin-Le Creusot, aujourd’hui, on ne sait même pas qu’il existe. Et ce sont eux qui me l’avait dit, 1+1 ça ne fait jamais 2. On se met dans le confort en se groupant, puis petit à petit ça s’effiloche, puis se regroupe encore un peu, et puis on se rend compte qu’on a reculé. On s’est mis dans un confort, on a doublé les budgets, les effectifs, impeccables… Mais ça ne se passe pas comme ça, ce n’est pas souvent ça la vérité. Quand j’étais à la Fédé, on était 450 000 licenciés, 1 800 clubs. Aujourd’hui, je ne sais plus le nombre de clubs, mais je sais qu’il y a moins de 300 000 licenciés. Donc en 5/6 ans, ça a perdu 150 000 licenciés. Heureusement qu’il y a eu les femmes qui sont arrivées entre temps sinon on serait encore bien plus bas. Il y a quand même quelque chose qui se passe. Ça n’empêche pas qu’il y a toujours des supporteurs et des gens qui en rêvent la nuit. A Saint-Claude, j’ai été joueurs de 10 ans à 31 et j’ai été Président de 32 à 40 et quelques. J’ai dû faire 9 ou 10 ans. Donc j’ai fait le tour. Mais le mieux, c’est joueur. On ne pense qu’à soi. La montée de Saint-Claude… C’est comme au niveau professionnel. Il y a de plus en plus de trous entre les divisions, de différence de niveau. C’est énorme maintenant. Donc pour monter, il faut vraiment avoir une équipe qui a le niveau de se maintenir l’année d’après. On l’a fait nous Saint-Claude, quand on est monté en Fédéral 1. On a dû perdre la finale en 90, c’est le seul match qu’on a perdu de l’année. Mais on avait l’équipe du niveau au-dessus. Donc la saison d’après c’est allé, en recrutant un petit peu. Mais s’il faut renforcer l’équipe pour avoir le niveau l’année d’après, ça va être très dur, le temps que ça se mette en route. Et après il faut de l’argent. On a retrouvé notre âme à Saint-Claude depuis qu’on est à ce niveau-là, parce qu’on fait jouer des gars du cru, avec quelques renforts. Ça ramène du public. Les gamins, ils sont de Saint-Claude, du quartier, alors les gens ils viennent les voir. On fait encore pas mal de monde. Je pense que ça vient de ça. Il y a beaucoup de jeunes à Serger et je pense que tous ces jeunes ont amené des jeunes autours d’eux. Et puis, Saint-Claude c’est rugby, il faut le dire. On a eu des joueurs exceptionnels, des entraîneurs exceptionnels. On se demande ce qu’ils sont venus faire là. Depuis des décennies, depuis le siècle dernier. Et puis Saint-Claude est connu. Il y a la pipe, bien sûr, puis le rugby a fait connaitre Saint-Claude. Il y a une génération qui a joué dans la France entière, à haut niveau. Il y avait 32 clubs à l’époque. Donc on était dans les 32. C’était la 1ère division. Il y avait 4 poules de 8, de 1958 à 1972. A Saint-Claude tout le monde jouait au rugby. Il y en a qui ont joué 8 jours, 15 jours, 6 mois ou 30 ans. A l’école, on jouait au rugby. Et puis, si le mec il ne jouait pas au rugby, tous ses copains y étaient, alors il se disait j’y vais parce que je m’emmerde (rires). Il y a des mecs qui sont allés à Bayonne, c’était une véritable expédition. Il n’avait pas les moyens d’aller au bord de la mer, ils y allaient grâce au club.
J’ai mis du temps à aller à l’USO. On a bataillé pendant mes années de présidence. On était toujours l’un contre l’autre. Ce n’était pas toujours drôle les matches, et puis malgré tout les hommes se sont rapprochés. Et puis un jour, je suis retourné à Oyonnax, j’ai été reçu comme… comme une star on va dire. Je me suis dit « tiens, en fin de compte ils ne sont pas si cons que ça » (rires). Ils étaient même contents de me voir. Ils m’ont invité partout. Puis après j’ai commencé à apprécier le niveau. J’ai dit « tiens, c’est pas mal ». Et puis c’est vrai qu’aujourd’hui je suis devenu un supporteur. J’y vais pour les voir gagner, je n’y vais pas comme certains pour les voir perdre. Je préfère aller voir du Top 14 à Oyonnax plutôt que d’aller à Bourgoin ou à Lyon, parce Oyonnax, c’est chez nous… même si ce n’est pas le même département. Et puis, bravo à ce qu’ils font. Pour moi, c’est un beau club. C’est pour ça qu’ils ont des bons joueurs. Parce que les joueurs se parlent entre eux, il ne faut pas rêver. Après il faut faire attention que les mecs ne viennent pas prendre que l’argent. Quand on voit BEAUXIS (Lionel, ndlr, international français) qui n’est pas n’importe qui, qui signe à Oyonnax. Je pense qu’il a d’autres clubs où il pourrait aller encore, donc je pense qu’Oyonnax est une référence. Concernant la montée de l’USO, oui dans l’égoïsme. Je préfère aller voir du Top 14 que du Pro D2. Mais sincèrement quand on voit que Perpignan n’a pas gagné un match cette année, avec l’équipe qu’ils ont… Je pense que l’écart se creuse de plus en plus. Le LOU (équipe de Lyon, ndlr) a compris que pour exister, il faut 30 millions d’euros, et avant ils n’en avaient que 18. Donc Oyonnax, ils vont passer de 11 à 16 peut-être, et puis après ils feront quoi ? Aujourd’hui on a le rugby des grandes métropoles. Grenoble, bon peut-être qu’Oyonnax n’aurait pas dû perdre contre Grenoble, mais malgré tout c’est un signe qui fait qu’entre 25 000 et 250 000, la métropole de Grenoble est la plus d’envergure d’attirer de l’argent. On en est là aujourd’hui.
Le Centre d’Hébergement de Haut Jura Sport Formation
Je ne connais pas trop les rouages. J’ai fait une réunion où on nous a expliqué ce qu’il s’y passait. Bon, on se rend compte, une fois de plus que là, il n’y a rien de simple non plus. C’est très vaste, et il faut encore des gens motivés. Ce n’est pas les salaires du foot non plus, pour y travailler. Il faut une certaine motivation. Comme tout, c’est une passion de s’occuper des jeunes. Il n’y a pas que le foot. Ça draine tous les sports, et c’est quand même une ambition et une volonté sportive de s’occuper de tous les jeunes. En plus j’y participe professionnellement, c’est d’autant mieux. En plus on retrouve les BARONI, MARILLER, PICARD. On est fier, on s’est battu pour. Faire passer les messages aux gens, qu’on n’était pas plus mauvais que les autres. Après, on parle de prix et on savait faire aussi en étant pas plus cher que les boîtes qui viennent de l’extérieur.
Interview du 1er février 2019